04 mars 2018

Chronique -- Le chemin des plantes aux Comores -- Jean-Marie le Jeune

Je suis ravie de vous faire découvrir Le chemin des plantes aux Comores ainsi que son auteur Jean-Marie Le Jeune, dont j'ai fait la connaissance tout d'abord en tant qu'enseignant.
Nous partageons l'amour des lettres et de l'enseignement et il inverse sa classe comme moi : nous avions forcément beaucoup à partager !
Pour ceux qui ne connaissent pas la classe inversée, vous pouvez consulter le chapitre 4 de L'élève au cœur de sa réussite, ma veille numérique et cette vidéo :



Et pour aller plus loin, mais surtout pour le plaisir : les clichés de la classe inversée avec Jean-Marie





Présentation de l'éditeur

Bradrane est appelé au chevet de sa grand-mère, la guérisseuse du village. Pour la soigner, il part sur le chemin des plantes qu'il empruntait autrefois avec elle, afin de trouver la fleur de la vie. Et si par malheur Koko mourait, est-ce que tout son savoir sur les plantes médicinales ne disparaîtrait pas avec elle ? A la fois initiatique et ethnologique, "Le chemin des plantes" mêle l'histoire d'un adolescent et de son pays, l'archipel des Comores, entre tradition et modernité.
L'auteur


Jean-Marie Le Jeune est professeur de français au collège Croas Ar Pennac à Guilers, dans le Finistère. Le chemin des plantes aux Comores est son troisième ouvrage (éditions L'Harmattan).
Inspiré par ses élèves, c'est lors de ses trois ans de professorat à Mayotte que lui est venue l'idée du Chemin des plantes.
Il expérimente par ailleurs un dispositif mêlant classe inversée et enseignement de type Freinet.
Ses capsules vidéo humoristiques (cours en ligne) sont disponibles sur sa chaîne YouTube : "Classe inversée Le Jeune".

Ma chronique
Je ne savais pas du tout à quoi m'attendre quand j'ai commandé Le chemin des plantes aux Comores mais la 4ème de couverture, les thématiques de la transmission, des plantes et de la quête initiatique m'attiraient énormément.
Et... je n'ai pas été déçue ! Ce conte est un magnifique récit qui m'a captivée dès les premières lignes, les premiers mots ! L'écriture est solide, le style soigné et l'histoire passionnante. En résumé, il s'agit d'un VÉRITABLE COUP DE CŒUR !
Je ne vous en dirai pas beaucoup plus car mon but est de vous donner envie de le lire, pas de vous gâcher le plaisir avec des "spoilers" :)

Mais laissons la parole à Jean-Marie !

Interview exclusive

En vidéo pour commencer !



Pourrais-tu nous en dire plus sur ce qui t’a inspiré ?
J’ai écrit trois ouvrages aux éditions l’Harmattan et tous les trois m’ont été inspirés par mes élèves. Le premier, Ali chasseur de voyelles à Mayotte, m’est venu de mon expérience de professeur dans une classe de nouveaux arrivants qui parlaient peu ou pas le français. Le deuxième, Dylan et le pirate des mots, qui raconte les aventures d’un garçon dyslexique, m’a été inspiré lorsque j’enseignais au collège Saint Pol Roux à Brest, dans une classe dite « expérimentale » composée d’élèves à profils particuliers.
Concernant Le Chemin des plantes aux Comores, lui aussi m’a été inspiré des échanges avec mes élèves Mahorais. Ils m’ont raconté leurs croyances et leurs traditions. Alors que les autres professeurs métropolitains les ignoraient -délibérément car représentant un enseignement rationaliste- toutes les légendes qu’ils m’ont racontées, une fois que je les ai mis en confiance, m’ont passionnées. Mais il y a aussi deux autres personnes qui m’ont permis d’entrer dans l’univers de la médecine traditionnelle mahoraise et à qui le livre est d’ailleurs dédicacé. Il s’agit du Docteur Céline, la médecin du dispensaire qui avait l’originalité d’avoir écrit une thèse sur la médecine par les plantes à Mayotte, parlait la langue swahili et se rendait dans les cérémonies du village. J’incarnais comme elle la culture française, mais comme elle je voulais connaître la culture comorienne. Enfin Le Chemin des plantes est né de ma rencontre avec mon ami Badrane qui a d’ailleurs donné son nom au héros de l’histoire. Celui-ci était avec sa grand-mère les guérisseurs du village de Bandrele, où j’habitais. Je ne sais pas pourquoi mais je me suis mis à leur rendre souvent visite avec un carnet de notes pour leur poser plein de questions. J’étais très touché par cette transmission orale entre eux deux, j’étais ému de voir Badrane, un Mahorais « francisé » me traduire les propos de sa grand-mère, et flatté aussi qu’ils me confient leur savoir. Et la grand-mère de dire : « Pourquoi ce mzoungou ( le blanc) s’intéresse à notre médecine ? ». Je ne savais pas moi-même pourquoi, je ne savais même pas que j’en ferais une histoire... Mais avec le recul, j’ai compris que cette histoire, inconsciemment, m’est venue de mon père. Il faut que je vous dise que mon père m’a eu « sur le tard », comme on dit ; à 55 ans : il était né en 1918 ! Il croyait en l’indépendance de la Bretagne et en voulait énormément à la république française d’avoir colonisé notre région notamment en écrivant au frontispice des écoles : « interdit de parler breton et de cracher par terre ». Je pense que sans m’en rendre compte l’occidentalisation accélérée de Mayotte m’a fait penser à l’éradication de la culture bretonne. En tout cas à l’époque, en 2000, j’avais pris conscience que se jouait sous mes yeux un conflit entre deux civilisations opposées ; ce que Le Chemin des plantes évoque.
Quand as-tu commencé à écrire ? As-tu eu un déclic spécial ?
C’est à Mayotte que je me suis mis à écrire. Je pense que j’étais inspiré par cet environnement. Jusque-là, même si j’étais professeur de français, je n’aurais jamais pensé à écrire et encore moins publier quoi que ce soit. En fait Le Chemin des plantes vient juste de paraître mais c’est le premier livre que j’ai écrit. J’ai encore du mal à me l’expliquer, mais tous les renseignements que j’avais collectés auprès de mes élèves, de Badrane et de sa grand-mère, toutes les expériences que j’avais vécues et les histoires que j’avais entendues, elles ont commencé à s’assembler dans ma tête pour en faire un récit. J’avais aussi envie de montrer aux métropolitains qui vivaient là-bas sans en tenir compte combien la culture comorienne est riche. Et je voulais aussi faire passer à la jeunesse de Mayotte le message de ne pas laisser disparaître leurs traditions et leur culture qui repose sur l’enseignement oral. En fait ce livre il montre, comme dit le proverbe,
qu’« en Afrique un vieillard qui meurt c’est une bibliothèque qui brûle. » Donc dans Le Chemin des plantes il y a une volonté de sauvegarder un savoir menacé.
Un mot de la fin ?
J’avais 33 ans quand j’ai commencé à écrire. Et depuis l’écriture ne m’a plus quitté. J’ai en projet un recueil de trois nouvelles, pour adultes, cette fois. Mais ce livre est en suspens car je suis très pris par mes activités de militantisme dans l’éducation nationale. En effet je suis membre de l’association Inversons la classe ! et à ce titre j’interviens dans des congrès et j’écris des articles professionnels sur les implications des classes inversées dans l’éducation. J’ai aussi un projet de proposer une conférence gesticulée qui s’intitulera : Superlatifman VS Mégaréac. La première devrait se faire à Brest au printemps.
Pour finir je voudrais adresser un message aux jeunes, à nos élèves : il ne faut pas avoir honte d’écrire même si la langue française est difficile, avant de chercher sa voie il faut trouver sa voix. Il y a beaucoup de gens qui sont malheureux faute de ne pas pouvoir mettre des mots sur leurs sentiments. Or on a tous une petite musique en nous, qu’il nous appartient de trouver : notre corps est un instrument de musique et les mots sont des notes. Alors écrivez, exprimez-vous, trouvez votre style!
Mais en bons inverseurs, nous avons eu envie d’appliquer ce concept à cette interview !

Marie, comment as-tu entendu parler de mon livre ?
Je t’ai connu d’abord en tant qu’enseignant, ai fait ta connaissance en ligne et ai entendu parler de ton livre au cours d’une émission de radio. J’ai immédiatement été séduite par les thématiques et l’ai commandé sur le champ.
Toi, qui es professeure, quel message en tires-tu par rapport à la transmission des savoirs ?
Selon moi, comme tu le dis si bien, dans toutes les situations et pas seulement à l’école (et c’est bien un thème qui m’est très cher et que je développe dans L’élève au cœur de sa réussite), on peut apprendre.
Les autres messages qui m’ont marquée sont qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire et que tout apprentissage peut porter ses fruits bien plus tard !
Cet ouvrage, je le présente comme un conte initiatique et ethnologique : que penses-tu de ces deux aspects ?
La dimension initiatique me parle particulièrement car en tant qu’enseignante j’espère toujours pousser les élèves à mieux se connaître et à développer tous leurs potentiels, leurs talents.
Le conte ethnologique m’a touchée car, fille d’agriculteurs, je n’avais pas toujours accès à la culture. L’école m’a donné accès à ma propre culture mais aussi à celle des autres pays, et comme je ne connais pas spécialement la culture comorienne, ma curiosité a été attisée ! J’aime m’évader et j’ai donc été sous le charme de cette histoire…
Tu m’as dit que tu as « adoré » l’histoire, j’en suis très flatté, mais est-ce que tu peux expliquer ce qui t’a plu dans Le Chemin des plantes aux Comores ?
Pourquoi sommes-nous fascinés par une histoire dès les premiers mots? L’histoire bien sûr mais aussi le style qui doit être fort. Et c’est le cas. De plus j’adore le principe des histoires imbriquées les unes dans les autres comme des poupées russes. Un récit mais aussi beaucoup d’émotions.
Est-ce que tu aurais pensé à une autre question ?
Prépares-tu un nouveau roman ? On l’attend avec impatience !

Et pour conclure, Le chemin des Plantes dans mon jardin !

Excellente lecture à tous et toutes !

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